Doit-on avoir peur du porc américain ?
La négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis en vue d’un accord de libre-échange s’accélère. Quels sont les enjeux pour la filière porcine européenne ?
Entre l’Union européenne et les Etats-Unis, la négociation lancée depuis de nombreux mois en vue d’un accord de libre-échange a repris de la vigueur cet été avec le vote du TPA (Trade Promotion Authority) par le Congrès des Etats-Unis. La signature d’un accord entre les USA et l’UE serait porteuse de gros enjeux pour la filière porcine européenne et pourrait ouvrir la porte à des importations de viande dans l’UE. Cette évolution constituerait un changement important, car l’UE n’importe pas produits de porc en provenance des USA, en raison des droits de douane et des mesures de protection des consommateurs européens. Dans l’hypothèse d’une libéralisation complète des échanges, des importations en quantités sensibles ou à des prix nettement inférieurs à ceux de l’UE seraient de nature à déstabiliser le marché européen, à entamer la rentabilité de la filière et à mettre en péril des entreprises et des emplois.
Un coût de revient très compétitif
Les Etats-Unis comptent 66 millions de porcs, cinq fois plus que la France. 70% du cheptel est concentré dans le Midwest, autour des Grands Lacs, région de culture du maïs. Naissage et engraissement sont séparés. En moyenne, les sites de naissage ont 3 400 truies, les sites d’engraissement 5 800 porcs à l’engrais. Les performances techniques sont en constante amélioration, mais restent très au-dessous du niveau français. Malgré cela, le coût de revient du porc est très compétitif aux USA par rapport à la France, car les prix unitaires de l’aliment et des bâtiments, notamment, y ont été beaucoup plus bas depuis des années. Toutefois, la baisse récente du taux de change de l’euro par rapport au dollar des Etats-Unis change la donne et réduit les écarts.
Une pression réglementaire moins forte
Les membres du Congrès américain expriment une préférence pour un encadrement volontaire par les filières, plutôt que réglementaire, des activités. Quand l’UE applique le principe de précaution, les USA autorisent tout ce dont la nocivité n’est pas prouvée scientifiquement. L’administration de bêta-agonistes et d’antibiotiques est massive et source d’économies grâce à l’amélioration de l’indice de consommation et de la vitesse de croissance. Les protéines animales sont autorisées dans l’alimentation. Le permis environnemental n’est obligatoire que pour les plus gros élevages. Le bien-être animal en élevage ne fait l’objet d’aucune réglementation.
Des écarts de prix fluctuants
Environ 20% de la production porcine américaine est exportée dans le monde, avec une volonté d’adapter les produits aux besoins des clients. Certaines pièces sont plus concernées par ces échanges, comme la longe, l’épaule et le jambon. En moyenne entre 2010 et 2013, les prix de ces pièces rendues UE (estimations Ifip) sont inférieurs à ceux observés sur le marché de Rungis, avec un écart pouvant atteindre 0,70 €/kg pour le jambon avec os, plus limité pour l’épaule (0,10 €/kg environ). Ces écarts sont toutefois fluctuants au sein d’une année et d’une année sur l’autre, sans oublier les effets des variations du taux de change. A l’heure actuelle, les droits de douanes couvrent la différence de prix et malgré l’existence de contingents à droit nul, les importations sont faibles. Certaines normes américaines de production ne sont en effet pas compatibles avec celles exigées dans l’UE (facteurs de croissance, traitement des carcasses…) Et contraires aux attentes des consommateurs européens.
Une filière réactive avec de grandes marges de manœuvre
La filière porcine des Etats-Unis possède donc bien des atouts qui la rendent compétitive sur le marché mondial et vis-à-vis de l’Europe. Elle a des dynamiques géographiques et structurelles qui lui confèrent d’amples marges de manœuvre pour répondre aux aspirations des marchés. Les exportations de viande porcine des Etats-Unis sont en mesure de se tourner rapidement vers l’Europe, si les conditions de marché et d’accès le permettent.
Source : « Les filières animales aux Etats-Unis dans la perspective d’un accord de libre-échange : dynamiques à l’œuvre, règles de production et risques commerciaux pour l’UE ». Etude Ifip, Institut de l’élevage, Itavi dans le cadre du RMT « Economie des filières animales. Financements FranceAgriMer, Inaporc.
Contacts : Estelle.Antoine@ifip.asso.fr et Christine.Roguet@ifip.asso.fr