Sens du métier et place dans la société : regards d’éleveurs sur l’attractivité de leur activité Fiche - Fiche 17

L’élevage français est traversé par des bouleversements multiples : remises en cause de son impact sur l’environnement, la condition animale, le risque sanitaire ; critiques de son modèle socio-économique de développement ; problématique de renouvellement des générations (Pouch, Raffray, 2023 ; Cornu 2021 ; Depeyrot et al. 2023). La France métropolitaine a perdu 18 % de ses exploitants en 10 ans entre les recensements de 2010 et 2020. Un quart d’entre eux ont aujourd’hui 60 ans ou plus (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2021). Ce vieillissement des chefs d’exploitation se traduit par un nombre important de départs en retraite et d’exploitations à reprendre, et donc un besoin de renouveler les actifs agricoles (Boudet et al., 2019). Or, dans le secteur de l’élevage, les éleveurs rencontrent des difficultés à transmettre leurs exploitations. Les filières d’élevage ont des difficultés à recruter, quelle que soit l’espèce concernée (bovine, porcine, ovine, caprine, avicole, équine). Les grands enjeux sociétaux actuels (environnement, sanitaire, bien-être animal, etc.) placent les acteurs de l’élevage face à deux défis majeurs : d’une part, la nécessité d’adapter les pratiques d’élevage pour améliorer la durabilité de l’activité et, d’autre part, la nécessité de mieux communiquer sur les métiers de l’élevage pour rassurer le grand public sur les pratiques agricoles et améliorer l’attractivité des métiers (Delanoue, 2018). Cette adaptation nécessitera des changements, subis ou choisis, qu’ils soient mineurs (de pratiques) ou majeurs (de conduite d’élevage ou de système). Selon Leméry (2003), le devenir de l’agriculture et de la profession dépend de ce que les agriculteurs feront des controverses qui les touchent. Chez les éleveurs, l’évocation des enjeux liés aux controverses peut provoquer des émotions différentes : indifférence, colère, tristesse et démotivation (Coty et al., 2017). Différentes réactions ont été observées dans le monde agricole pour se saisir des controverses : contre-mobilisation contre « l’agribashing » et les enjeux qui entourent les controverses, justification et communication sur ce qui existe déjà, mise en place de formes d’actions pour s’y adapter (création de filières, labels, changements de pratiques, de systèmes, etc.).

Dans ce contexte, le projet multi-acteurs Entr’ACTES (CASDAR 2023-2026), piloté par l’Institut de l’Elevage, propose d’analyser les effets de ces controverses sur les représentations et les pratiques des acteurs des filières d’élevage et sur leurs interactions avec le reste de la société. Une enquête qualitative a été réalisée en début de projet afin d’évaluer la place des controverses entourant l’élevage parmi les préoccupations des éleveurs (bovins, porcins, et avicoles), l’image qu’ils se font de leur métier, ainsi que leur perception du changement et leurs besoins en accompagnement (Fuselier et Delanoue, 2024). Au total, près de 50 entretiens semi-directifs ont été menés en 2023 auprès d’éleveurs et d’accompagnants en élevage (techniciens, conseillers) dans les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Centre.