Point de vue : les deux leaders de l’abattage-découpe ont annoncé vouloir quitter le MPB
Points de vue de l'IFIP
20/10/2023 17:00 | Place des marchés Il y a 11 mois et 28 jours
Ajouter à ma listeDepuis l’été, le Marché du Porc Breton a été le centre de vives discussions. En août dernier, le groupe Bigard a annoncé sa décision de quitter progressivement le marché, sur lequel il se fournissait par l’intermédiaire de son abattoir Abera. Début octobre, le groupe Cooperl a, à son tour, annoncé à ses adhérents son retrait du marché. Si les raisons des départs de ces deux groupes sont différentes, les enjeux pour la filière française sont bien les mêmes.
Fragilisation de la référence collective du prix du porc
La sortie de ces deux leaders de l’abattage français fragiliserait un des rôles majeurs du marché au Cadran. En effet, le MPB fournit une référence de prix du porc sortie élevage, fixée de manière collective et transparente. Cette cotation élaborée par des acteurs du secteur de la production et du secteur de l’abattage est largement suivie dans tous les autres modes de commercialisation en France.
Certaines critiques antérieures au départ des deux mastodontes sont émises par quelques détracteurs, comme la représentativité incomplète des acteurs participant au marché. Autre point de crispation, les volumes échangés au cadran ne comptabilisent qu’une fraction minoritaire du marché breton et français (6 % en 2022).
Ainsi, la sortie de ces deux acteurs bouleverse la fixation de la référence nationale de prix, plus en termes de représentativité qu’en termes de volumes échangés. Seuls trois acheteurs se retrouveraient hebdomadairement au MPB pour participer à la définition de la cotation.
Répartition des achats au MPB en 2022 et de la production de porcs
en zone Uniporc en 2022 (en %)
Sources : MPB, Uniporc
Le MPB, un acteur historique de la filière porcine
Créé en 1972, le MPB avait pour objectif premier d’organiser la vente et l’achat en physique de porcs charcutiers et coches, ainsi que d’établir des conditions de vente et de paiement. Au fur et à mesure de son développement, le prix de base (hors plus-value du classement) défini par les enchères bi-hebdomadaires au cadran a acquis le rôle de prix d’orientation pour quasiment l’ensemble des porcs vendus en France. Le MPB garde aujourd’hui cette fonction malgré la faible part des porcs français qui y sont commercialisés. Les OP françaises vendent directement la majorité de leurs porcs à quelques abattoirs avec lesquels ils ont des relations régulières, et souvent des cahiers des charges en commun. Mais les prix des transactions réalisées en dehors du MPB sont pour la grande majorité indexés sur le prix au cadran.
Quelles autres références de marché pour les éleveurs ?
Outre la cotation fixée au MPB, d’autres références de prix permettent de suivre les tendances du marché porcin français. Cependant, ces différentes sources d’informations possèdent elles aussi de nombreuses limites, et ne permettent pas aux éleveurs d’avoir une vision réelle, complète et transparente du marché. Parmi celles-ci, le Réseau National des Marchés relève de manière hebdomadaire les déclarations de prix pratiqués dans quelques outils d’abattages représentatifs du marché national. Le panel d’abatteurs enquêtés représente au moins 50 % des porcs abattus en France. Aujourd’hui, les prix au Cadran et communiqués par le RNM sont très largement corrélés, démontrant le suivi de la référence du MPB par les abatteurs. Toutefois, cet état des lieux des prix des porcs classés E et S n’est pas exhaustif et est publié a postériori.
Les prix pratiqués par les grands groupes pourraient être utilisés comme référence, mais leurs publications ne sont pas automatiques ni rendues disponibles de manière transparente.
Le marché du porc et de la viande en Europe étant interconnecté, les évolutions de prix dans les pays voisins sont aussi des indicateurs des niveaux d’offre et de demande et peuvent servir d’orientation. Toutefois, chaque marché ayant ses propres spécificités (temporelle, géographique, qualité), il paraît difficile de fixer un prix de transaction en France qui serait parfaitement corrélé aux prix d’autres marchés européens.
Par ailleurs, au cours des dernières années, des démarches contractuelles se sont développées. Certaines utilisent pour partie d’autres indicateurs que le prix de base du MPB, comme le coût de production des porcs. Ces démarches restent minoritaires (6 à 10 % des porcs commercialisés en France en 2019) et s’inscrivent en majorité dans des cahiers des charges particuliers. Depuis la loi Egalim 2, INAPORC publie mensuellement des indices de coût de revient du porc, mais les formules de prix exactes établies entre acteurs ne sont pas publiques.
Les alternatives d’informations et de fixation des prix sur le marché français sont multiples mais possèdent toutes leurs limites. Le contexte actuel de baisse de production en France peut favoriser une restructuration du marché français et le développement de ces démarches privées ou contractuelles. En délaissant l’usage d’un outil de marché centralisé tel que le MPB, la commercialisation des porcs pourrait se libéraliser davantage, avec une montée des initiatives de négociations individuelles entre éleveurs, groupements et abatteurs, sur le modèle allemand par exemple. Ceci serait accompagné d’un facteur de risque sous-jacent de déstabilisation des relations commerciales entre les acteurs, de manque de transparence, d’iniquité et d’incertitudes.
Dans ce contexte, les dirigeants du MPB ont engagé des discussions pour faire venir d’autres acheteurs et vendeurs afin d’assurer sa représentativité et la fixation transparente d’un prix de référence sur le long terme. Cette extension du MPB au-delà de sa zone historique augurerait-elle d’une requalification du MPB en MPF pour une cotation qui reste la référence nationale de prix ?