Analyse : Tendance à la dégradation de la consommation des viandes et charcuterie
Analyses et études
19/09/2023 13:14 | Place des marchés Il y a 11 mois et 29 jours
Ajouter à ma listeDans un contexte d’inflation marquée par la sensibilité exacerbée des consommateurs vis-à-vis du prix, la hausse des prix de détail a engendré un recul de la consommation en viande de porc et en charcuterie, à l’exception des quelques catégories de produits les plus économiques qui résistent. Les comportements de report de consommation vers des solutions plus économiques et de recherche de prix et de proximité dans le choix des circuits de distribution fréquentés se renforcent.
L’inflation a atteint un niveau sans précédent en juillet, avec une hausse cumulée de 22,4 % pour les produits alimentaires et de 20,3 % pour les viandes au cours des deux dernières années. Le pouvoir d’achat des ménages (1) a diminué de 0,6 % au premier trimestre 2023, la hausse des salaires (+4,6% au 1er trimestre) (2) n’ayant pas permis de rattraper l’inflation. Dans ce contexte, les ménages les plus modestes ont été contraints de puiser dans leur épargne pour faire face à la hausse des prix de l’alimentaire.
Comme premier impact, la consommation à domicile de produits frais libre-service a baissé de 1,7% sur les 7 premiers mois de l’année, les familles effectuant leurs courses plus souvent mais en plus petite quantité. Ainsi, 45 % des Français déclarent ne pas toujours consommer les aliments qu’ils souhaiteraient (3). Ils ont limité en premier lieu, leur consommation de viande de boucherie (-4 % au cumul à fin juillet sur un an) dans un contexte de hausse de prix de détail de +9,8 %.
Evolution mensuelle des volumes d’achat des ménages et des prix moyens en charcuterie hors saucisse gros hachage et hors charcuterie de volaille de août 2022 à Juillet 2023
Source : Kantarworldpanel pour FranceAgrimer
La restauration hors domicile voit son chiffre d’affaires croître en juin de 9,8 % sur un an, tiré par le snacking mais à un rythme plus lent qu’en début d’année avec une inflation moyenne de 5,6 %. En bœuf et en volaille, la restauration capte des parts d’estomac (4) alors que le porc en profite moins même si l’espèce, plus économique, tend à revenir en restauration commerciale sous la forme de paleron ou d’effiloché par exemple (part des volumes estimés de la RHD en bœuf, volaille et porc à environ 30 %, 20 % et 15 % respectivement).
Recul en viande de porc hors élaborés sous l’effet de l’inflation et d’une météo morose
Le cours du porc frais a augmenté de 41 % au cumul à fin juillet sur un an sous l’impulsion de la contraction de l’offre sur les marchés européens dont la France et du maintien à un niveau relativement élevé de certaines matières premières et de celui de l’énergie.
Sur la même période, le prix de détail de la viande de porc fraîche hors élaborés a enregistré une hausse de + 11,9 %, entraînant une diminution du volume de consommation (-2,9 %) notamment en raison d’une perte d’acheteurs (-1 %). En comparaison, les volumes de la volaille fraîche touchée par la grippe aviaire en 2022 et déficitaire, se stabilisent (+0,6 %) à fin juillet 2023 tandis que le bœuf piécé recule au même rythme que la viande de porc (-2,7 %). La période récente du mois de juillet 23/22 marque cependant une inflexion dans cette tendance puisque les consommateurs se sont tournés d’abord vers les pièces de viande de bœuf (+10,2 %) et de volaille (+5 %) pour se faire plaisir, délaissant la viande de porc (-4,2 %) et la saucisserie (-8,2 %) dans un contexte de météo morose peu propice au barbecue. Avec un prix au kilo en viande bovine qui atteint désormais en juillet 19,2 €/kg contre 9,4 €/kg en viande de porc, la viande bovine s’inscrit un peu plus dans une consommation à caractère festif.
Volume, prix moyen et leur évolution en marques nationales (MN), marques de distributeur (MDD) classique et entrée de gamme en charcuterie de porc en CAD à fin 07
Evol vol. CAD à fin juillet 23/22 | Prix moyen CAD à fin juillet 2023 | Evol prix moyen CAD à fin juillet 23/22 | |
---|---|---|---|
Marque nationale | – 4,5 % | 14,7 | + 10,8 % |
MDD classique et thématique | – 0,8 % | 12,0 | + 13,4 % |
MDD entrée de gamme | + 2,6 % | 9,4 | + 17,0 % |
Décrochage en charcuterie depuis avril, avec des paniers plus petits à prix serrés
Après avoir été relativement stables au premier trimestre, les volumes de charcuterie se sont progressivement dégradés pour atteindre un recul de 1,8 % dans un contexte de hausse de prix de 11,1 % au total des 7 premiers mois de l’année en un an. Cette déconsommation ne concerne pas les populations les plus modestes (+1,1 %) pour lesquels la charcuterie reste plus accessible que la viande, tandis que les plus aisés continuent à la délaisser (-3,4 %). Par comparaison, les produits traiteurs sont stables (+0,1 %).
Les consommateurs ont adapté la composition de leurs paniers et la descente en gamme se poursuit. Elle se traduit en charcuterie, au cumul à fin juillet 2023/2022, par une hausse des volumes des produits premiers prix (+2,6 %), un léger recul des marques de distributeurs (MDD) (-0,7 %) tandis que les marques nationales sont délaissées (-4,5 %) en lien avec leur niveau de prix. Les différentes marques se positionnent respectivement à un indice prix de 76, 97 et 119 en référence au prix moyen de la charcuterie base 100 (12,1 €/kg). Les premiers prix gagnent en particulier du terrain en pâtés (+31 %), en rillettes (+23 %) et en saucisses pâtes fines (+18 %) sur la même période.
Au cumul des sept premiers mois de l’année, les pertes en variation annuelle concernent en particulier les catégories suivantes soit le pâté (-3,9 %), le jambon sec (-4,8 %) et le jambon cuit (-2,1 %), néanmoins relativement préservé grâce aux innovations dans les produits “sans”. A l’opposé, les produits économiques tels que les saucisses à pâtes fines (+4,1 %) et les lardons, poitrine et bacon (+2,6 %) connaissent une croissance, profitant de leur positionnement de prix abordable. En juillet, comme pour la viande, la baisse de consommation en charcuterie a été plus prononcée (-3,9 %) avec des consommateurs achetant moins (-4,4 %) et moins souvent (‑1,5 %).
En ce qui concerne les circuits de distribution, les consommateurs tendent à limiter leurs déplacements pour faire baisser la facture. Ainsi en charcuterie, l’e-commerce progresse (+2,6 %), également stimulé par un élargissement de l’assortiment et des prix attractifs. Les points de vente de proximité se stabilisent (+0,5 %). Quant à l’hypermarché, il recule légèrement (-0,4 %) comparé au supermarché (-2,5 %) tandis que les artisans sont fortement pénalisés (-7,3 %) de même que la vente directe (-10,5 %) qui avait nourri beaucoup d’ambitions autour du local.
Parts de marché des circuits de distribution dans les volumes en charcuterie de porc
et évolutions des volumes sur un an, au cumul des 7 premiers mois 2023
Source : Kantarworldpanel (5) pour FranceAgrimer
Au bilan, si le porc conserve une position de protéine économique, les viandes et charcuterie voient les hausses de prix contribuer à la désaffection des consommateurs avec des reculs un peu moins marqués lorsque la catégorie innove tel qu’en jambon cuit. Elle favorise les comportements d’arbitrage entre maîtrise des dépenses, reports vers des offres produits plus abordables, un consommer moins notamment sur les produits d’impulsion et en début d’été la recherche de bénéfices autour du plaisir dans lesquels les viandes ont une place à jouer.
(1) Pouvoir d’achat du revenu disponible brut par unité de consommation (Insee)
(2) Salaire mensuel de base (Dares)
(3) Credoc
(4) Equivalent à la part de marché intégrant des marchés qui ne se recoupent théoriquement pas mais correspond à l’ensemble de la nourriture prise par les consommateurs.
(5) Les données de consommation des ménages en viande de porc communiquées par le panéliste Kantar sont des données estimées : elles peuvent être révisées dans les mois à venir, pour corriger une erreur de traitement ou une anomalie non repérée lors de la production des mois précédents”.