APPLIS IFIP

Avis d’expert : détection de Salmonella sur matières premières

Actualités

24/06/2024 16:00 | Articles Il y a 5 mois et 16 jours

Ajouter à ma liste
Imprimer l'article
Shutterstock 65935729 Paté

Un industriel de la charcuterie fabrique des produits cuits à base de volaille. Tous ses produits subissent une cuisson largement assainissante (plusieurs heures à T > 85°C). Les valeurs pasteurisatrices sont de plusieurs dizaines de milliers de minutes.
A la suite d’une détection par l’entreprise de Salmonella sur une de ses matières premières volaille, la DDPP considère qu’il est nécessaire de faire une notification aux autorités sanitaires. Dans le cas contraire cela implique une non-conformité majeure pour l’entreprise.
Cette exigence de la DDPP est-elle légitime et conforme aux réglementations en vigueur ?

Voici la réponse du Dr Etienne Pierron de l’Ifip.

L’essentiel des règles concernant les obligations de notification à l’administration sont établies dans l’Instruction Technique DGAL/SDSSA n°2023-14 du 5 janvier 2023 : Modalités de notification à l’autorité administrative par les exploitants d’informations sanitaires concernant des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou l’environnement de production de ces produits au titre de l’article L.201-7 du Code rural et de la pêche maritime.
Dans ce document, il est écrit : « Le fait nouveau introduit est l’obligation d’information de l’autorité compétente par l’exploitant lorsque celui-ci considère que, sur la base d’un résultat d’autocontrôle défavorable, les produits sont susceptibles d’être préjudiciables à la santé humaine ou animale. »
et aussi : « Dans la présente instruction, le terme « résultats d’autocontrôles défavorables » doit se lire comme les autocontrôles sur les denrées alimentaires, sur les aliments pour animaux ou sur l’environnement (locaux, installations, équipements) dont les résultats indiquent un risque possible pour la santé humaine ou animale ».
Pour ce qui est de la définition des produits concernés par les dispositions de l’article L.201-7 du CRPM, on trouve plus loin dans l’IT DGAL/SDSSA n°2023-14 : « Le produit concerné est donc le produit prêt à quitter en l’état l’établissement de fabrication ou bien la denrée alimentaire au stade de la distribution » et aussi : « Toutefois les autocontrôles sur les matières premières, produits semi-finis sont également concernés par les dispositions de l’article L. 201-7, dès lors que ceux-ci reflètent l’état sanitaire du produit en sortie d’établissement ».

Analyse pratique de la situation :

L’entreprise a détecté des salmonelles sur une matière première volaille qui, une fois désossée et découpée, est exclusivement destinée à la fabrication de charcuterie cuite avec une cuisson maîtrisée et très largement assainissante :

1. Cette viande de volaille n’est pas destinée à la consommation directe par le consommateur final. C’est donc bien et uniquement une matière première (MP)et non un produit fini ou semi-fini.

2. La qualité microbiologique de cette matière première ne reflète absolument pas l’état sanitaire du produit fini parce que la cuisson des produits réalisés à partir de cette MP permet d’obtenir une valeur pasteurisatrice (VP) de plusieurs dizaines de milliers de minutes. Cette cuisson est suivie et validée par un CCP. Pour information, on se rappellera que le D70 de Salmonella est généralement inférieur ou égal à 1 minute. Pour certaines souches isolées dans des matrices sèches de faible Aw, on a décrit des thermorésistances plus élevées, par exemple D85 = 137 secondes ou D100 = 51 secondes (fiche danger Salmonella ANSES de juin 2021). Ce type de thermorésistance n’a jamais été décrit dans des matrices d’Aw élevée comme la viande. Toutefois, même en prenant en compte des salmonelles avec une thermorésistance aussi exceptionnelle qu’inhabituelle, ce type de cuisson provoquerait un abattement de 60 à 100 réductions décimales pour le produit fini.

L’analyse du danger Salmonella suite à cette détection sur matière première, montre qu’elle est sans la moindre conséquence pour le produit fini et donc sans danger sanitaire spécifique pour le consommateur.
Dans cette situation, l’analyse des matières premières sur les critères Salmonella, Listeria monocytogenes, ou ASR, ne sert pas à piloter le procédé mais à suivre et évaluer les fournisseurs dans un contexte global de suivi des appros. Les résultats non conformes sur ce type d’appro doivent être enregistrés et suivis dans le temps afin d’alimenter l’évaluation annuelle des fournisseurs.

En conséquence, de notre point de vue, la notification n’est ni nécessaire, ni obligatoire.

La DDPP pourrait objecter qu’il y a un critère réglementaire à respecter pour la volaille crue dans le règlement (CE) n°2073/2005 Annexe II alinéa 1.9 Produits à base de viande de volaille destiné à être consommés cuits, à savoir : Salmonella Non Détecté dans 25g (n=5 c=0).
Cette objection pourrait être prise en compte si ces viandes de volaille étaient destinées au consommateur final, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un client découpeur conditionneur ou d’un transformateur qui en ferait une saucisse crue de volaille.
Si ces viandes de volailles sont destinées au consommateur final, la détection de Salmonella sur des carcasses doit être considérée comme une non-conformité et notifiée à la DDPP. MAIS, dans le contexte d’une transformation en charcuterie cuite avec une VP de plusieurs dizaines de milliers de minutes, la détection de Salmonella sur volaille crue doit être regardée comme un critère d’hygiène des procédés (alinéa 2.1.5 Carcasse de volaillesservant à l’évaluation des fournisseurs.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, je pense qu’il est INCONCEVABLE de considérer cet évènement comme une non-conformité majeure dans la mesure où ce n’est pas même une non-conformité pour le produit fini ou le procédé.
De plus, il ne faut jamais oublier que l’analyse des dangers est de la responsabilité du professionnel et de lui seul. 

Références réglementaires ou techniques :

– Règlement (CE) n°178/2002 Sécurité des denrées alimentaires

– Articles L.231-2, L.201-7 et D.201-7 du Code Rural et de la Pêche Maritime

– Article 50 de la loi Egalim n°2018-938 du 30 octobre 2018

– Règlement (CE) n°2073/2005 modifié

– IT DGAL/SDSSA/2023-14 du 5/01/2023 Modalités de notification à l’autorité

– fiche danger Salmonella ANSES juin 2021

– S.M. Santillana Farakos & all, 2014, Predicting Survival of Salmonella in Low-Water Activity Foods: An Analysis of Literature Data, Journal of Food Protection, Vol. 77, No. 9, 2014, Pages 1448–1461

Article L201-7 du CRPM
Modifié par Ordonnance n°2021-1370 du 20 octobre 2021 – art. 2
Version en vigueur depuis le 22 octobre 2021.
Tout propriétaire ou détenteur d’animaux, ou tout professionnel lié aux animaux au sens du point 26 de l’article 4 du règlement (UE) 2016/429 du 9 mars 2016, ainsi que toute personne mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 201-2, qui détecte ou suspecte l’apparition d’un danger mentionné au 3° du I de l’article L. 201-1 ou d’une maladie animale mentionnée à l’article L. 221-1 sur le territoire national en informe l’autorité administrative, le cas échéant dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement (UE) 2016/429 du 9 mars 2016 et les dispositions prises pour son application.
L’autorité administrative est informée de la présence d’un danger phytosanitaire mentionné aux 1°, 2°, 4° ou 5° de l’article L. 251-3 dans les conditions prévues aux articles 9,14 et 15 du règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016. En outre, pour l’application de l’article 29 du même règlement, tout propriétaire ou détenteur de végétaux, ou tout professionnel exerçant ses activités en relation avec des végétaux qui détecte ou suspecte la première apparition sur le territoire national d’un danger phytosanitaire en informe immédiatement l’autorité administrative.
Tout propriétaire ou détenteur de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux soumis aux prescriptions prévues à l’article L. 231-1 informe immédiatement l’autorité administrative désignée par décret lorsqu’il considère ou a des raisons de penser, au regard de tout résultat d’autocontrôle, qu’une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux qu’il a importé, produit, transformé, fabriqué ou distribué présente ou est susceptible de présenter un risque pour la santé humaine ou animale.
Dès qu’il a connaissance de tout résultat d’examen indiquant que des locaux, installations et équipements utilisés pour la manipulation ou le stockage de denrées alimentaires et aliments pour animaux sont susceptibles de rendre des produits préjudiciables à la santé humaine, le propriétaire ou détenteur mentionné au troisième alinéa du présent article informe immédiatement l’autorité administrative des mesures prises pour protéger la santé humaine ou animale.
Les vétérinaires et les laboratoires communiquent immédiatement à l’autorité administrative tout résultat d’analyse conduisant à suspecter ou constater la présence d’un danger d’un danger mentionné au 3° du I de l’article L. 201-1 ou d’une des maladies mentionnées à l’article L. 221-1 sur le territoire national.
En outre, dans le cadre des contrôles officiels réalisés en application de l’article L. 231-1, les laboratoires sont tenus de communiquer immédiatement tout résultat d’analyse sur demande motivée de l’autorité administrative et d’en informer le propriétaire ou détenteur des denrées concerné.
A la seule fin d’identifier la cause et l’étendue de phénomènes sanitaires émergents, l’autorité administrative peut obtenir des personnes mentionnées au présent article la transmission de tout prélèvement, échantillon et information sanitaire.

Auteur

Pierron

Docteur Vétérinaire, DMV - Expert en sécurité sanitaire des produits et des procédés

Quelques mots clés

Ce site utilise des cookies afin d’améliorer votre expérience utilisateur et de réaliser des statistiques d’audience.
J'accepteJe refuseEn savoir plus