L'oxydation des produits carnés : méthodes de mesure et moyens de maîtrise
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Auteurs :
Jeuge S, Vendeuvre JL, Nassy G, Carlier M
L’oxydation des composés majeurs du muscle (lipides et protéines) constitue la cause la plus importante de dégradation de la qualité sensorielle et nutritionnelle des viandes, préparations de viandes et produits à base de viandes. Ces réactions d’oxydation provoquent des changements irréversibles sur le goût, la flaveur, la couleur, la texture des produits, aboutissant à une diminution de leur durée de vie. Les oxydations dans les viandes et les produits carnés sont principalement associées à la présence de radicaux libres qui provoquent la production de différents composants (comme des aldéhydes ou des cétones) responsables du développement de flaveurs désagréables et de changements de couleurs.
L’oxydation des lipides est reconnue comme un problème important lors de la conservation ou lors des procédés de transformation des produits carnés. La péroxydation des lipides, principalement des acides gras, est un enchaînement de réactions radicalaires décomposable en 3 étapes : l’initiation dans laquelle le fer de l’hème joue un rôle important, la propagation et la terminaison. Bien que l’oxydation des lipides puisse contribuer au développement de flaveurs agréables dans les viandes cuites, ce sont les aspects négatifs de l’oxydation des lipides qui prédominent, notamment les effets sur leurs qualités sensorielles et leur valeur nutritionnelle.
Concernant l’oxydation des protéines, des études récentes ont montré que les protéines musculaires pouvaient être altérées par des substances réactives à l’oxygène (ROS) provenant de la décomposition des acides gras insaturés.
Bien que les effets de l’oxydation des protéines dans les produits carnés ne soient pas complètement connus, de grands efforts ont été menés récemment pour élucider les mécanismes provoquant la dégradation oxydative des protéines du muscle. Pour lutter in vivo contre le stress oxydant, la cellule musculaire dispose de systèmes antioxydants liposolubles et hydrosolubles qui limitent ou annihilent les réactions radicalaires. Cependant, post mortem, la balance entre système pro et antioxydant penche vers l’oxydation pendant les phases de maturation des viandes, phénomène qui s’accentue durablement pendant les traitements technologiques ou pendant les étapes de conservation.
Certaines opérations comme le morcellement (découpe, broyage, hachage) et les mélanges favorisent les réactions entre l’oxygène moléculaire et les acides gras insaturés, d’autres opérations comme la cuisson, la pasteurisation qui font intervenir des étapes à températures élevées accroissent l’étendue des réactions d’oxydation. Ce dernier point est d’autant plus d’actualité que la demande de produits carnés précuits ou de viandes cuites augmente. Les analyses visant à mesurer l’oxydation des lipides ou des protéines sont utiles pour le développement de stratégies anti-oxydantes efficaces. Par exemple, les modifications de composition des muscles par l’alimentation en modifiant la composition en acides gras, par les supplémentations en caroténoïdes et tocophérols, par l’amélioration des formulations et des procédés de fabrications.
2 Le fer non héminique (NHI) est considéré comme le plus fort promoteur de l’oxydation dans les viandes, aussi en parallèle de l’estimation de l’oxydation, la connaissance des proportions des différentes formes chimiques du fer est très importante. L’augmentation de fer non héminique dans les viandes est une conséquence de la rupture de l’hème soit pendant la cuisson soit lors de sa conservation.
Les techniques analytiques présentées dans ce document sont des outils utiles pour suivre la fragilité ou la dégradation oxydatives des matières premières et des produits finis. Elles permettent également de mesurer l’effet des différentes opérations unitaires sur l’oxydation des viandes et des produits de charcuterie/salaison tout au long de leur chaine de fabrication et de leur durée de vie.
Les mesures réalisées permettront d’améliorer la connaissance des produits en termes d’oxydation et donc d’évaluer les moyens d’amélioration.
Pour l’évaluation de l’oxydation des lipides, plusieurs méthodes sont utilisables en fonction du produit à analyser :
‐ la détermination de l’indice de peroxyde sur les graisses et les fractions lipidiques ;
‐ les méthodes TBArs pour les viandes et produits transformés ;
‐ l’analyse sensorielle et la mesure des composés volatils par chromatographie ou spectrométrie de masse pour tous types de produit.
Pour déterminer le stade d’oxydation des protéines, différentes stratégies sont envisageables :
‐ la détermination des groupements thiols libres ;
‐ la mesure des carbonyls totaux par méthode à la DNPH ou par chromatographie
liquide, ionisation electrospray, spectrométrie de masse (LC-ESI-MS) ;
‐ la recherche des cross-links entre protéines : ponts disulfures, formation de dityrosine, électrophorèse SDS-PAGE et Western-blot.
Pour mesurer l’oxydation des lipides et/ou des protéines, le choix de la méthode d’analyse à utiliser doit être fait en fonction du type de produit à analyser et de la précision de résultat souhaitée et en tenant compte des intérêts et limites de la méthode à retenir.
La mise en place de plans d’action au niveau industriel pour prévenir les réactions d’oxydation des viandes et produits carnés est nécessaire : protection des viandes et produits transformés vis-à-vis de la lumière et de l’oxygène de l’air ; rinçage des supports de découpe et de manutention afin d’éviter tout contact avec des désinfectants oxydants.
Les conditions de préparation des charcuteries sont à contrôlées de façon à incorporer le moins d’oxygène possible dans les produits (travail sous vide ou sous gaz neutre).
43 pages
Fiche technique
Titre :
L'oxydation des produits carnés : méthodes de mesure et moyens de maîtrise
Date sortie / parution :
2012