Analyse : Entre inflation et tradition, le porc reste au coeur des assiettes espagnoles

Même si le PIB de l’Espagne a progressé régulièrement ces dernières années, le pouvoir d’achat des ménages reste sous pression : leurs revenus augmentent lentement et la part de l’alimentation pèse toujours fortement dans leur budget. Dans ce contexte, le marché du porc a enregistré une décennie de recul de sa consommation suivie d’un rebond depuis 2023, portée par le renchérissement du prix du bœuf. Ce regain ne masque cependant pas les fractures sociales et régionales, ni les limites de la montée en gamme.

Depuis son adhésion à l’Union européenne en 1986, l’Espagne a engagé des efforts importants pour rattraper économiquement le reste de l’Europe dans un contexte de transformations sociodémographiques.

La crise financière de 2010-2012 a conduit à une stagnation du revenu disponible brut par habitant. En effet, celui-ci est à peine supérieur en 2023 à celui des années 2000, creusant l’écart avec la moyenne de la zone euro. Par ailleurs, entre 2013 et 2023, le nombre de ménages a augmenté de 6,6 %, une évolution plus rapide que celle de la population (+3,7 %). Cette réduction de la taille des foyers pèse encore davantage sur les indicateurs socio-économiques. Enfin en 2023, l’alimentation représente une part élevée du budget des ménages espagnols (22 %), contre 15,9 % en France.

Historiquement enraciné en Espagne, le régime méditerranéen ¹, limitant la viande rouge, est progressivement abandonné sous l’effet de la globalisation alimentaire. Il ne serait plus suivi strictement que par 12 % de la population.

Parallèlement, la part des flexitariens (30 %) et celle des végétariens et végétaliens (6 %) se situe dans la moyenne européenne (Smart Protein Project), confirmant l’attachement des Espagnols à la viande.

Tous circuits, la consommation de porc a fortement fluctué. Entre 2002 et 2008, elle a reculé sous l’effet des crises sanitaires alimentaires contribuant à une méfiance généralisée envers les viandes puis sous l’impact de la diversification de la consommation vers d’autres sources de protéines animales (volaille), et des changements de mode de vie. Après une reprise de la consommation depuis 2013, culminant en 2018 à près de 59 kg équivalent carcasse (kgéc) par habitant, la crise sanitaire, l’inflation et l’évolution des régimes ont entraîné un déclin annuel moyen de 1,6 % jusqu’en 2023.

Avec 54 kgéc par habitant, l’Espagne reste en 2023 cependant parmi les plus gros consommateurs européens, derrière le Danemark (74 kgéc). Parmi les différentes protéines animales, le porc domine largement (52 % des volumes), devant la volaille (35 %) et le bovin (12 %). En 2024, la progression de la consommation de porc